Architecte d’intérieur, designer, galeriste… L’histoire de Rémi Tessier est celle d’un éclectique audacieux, d’un créateur sans cesse en partance. Tout commence en 1979 par un voyage initiatique, lorsque âgé de 15 ans, il entreprend le mythique Tour de France du compagnonnage. Dans cette formidable « école du concret » héritée du Moyen Age, cet amoureux du bois réalise un rêve d’enfant : savoir-faire un meuble de ses mains. Il apprend donc un métier – l’ébénisterie – mais aussi l’attention de la mise en œuvre, la recherche de la qualité et de la maîtrise, l’amour de la matière et du bel ouvrage. Or, sept ans plus tard, il choisit, contre toute attente, de quitter l’établi pour de plus vastes sphères, et poursuit son voyage, par goût du risque et de la nouveauté. En 1988, l’apprenti dissident de 23 ans, par ailleurs artisan hautement qualifié de son état, s’improvise donc architecte d’intérieur et fonde à Lyon sa propre agence : Dernier Etage. C’est un véritable saut dans l’inconnu, mais fort d’une connaissance aiguë des matières et d’une détermination non moins vive, il apprend « sur le tas ». Très vite, cet autodidacte de l’architecture ou plutôt, comme il aime à le dire, celui qui « a appris à apprendre », acquiert un grand savoir-faire et se voit confier des projets très divers. Rémi Tessier conçoit et met en œuvre tous les types de chantiers, de Paris à Monaco, de Lyon à Nice ou de Londres à Genève. A son actif, de nombreuses réalisations tant dans le domaine de la résidence privée (appartements, hôtels particuliers, villas, yachts) que dans celui des espaces publics (sièges sociaux, agences, boutiques) et dont le franc succès auprès des professionnels comme des médias conforte ses choix. C’est ainsi qu’aujourd’hui Rémi Tessier a acquis une notoriété internationale dans le design intérieur de yachts privés pour une clientèle prestigieuse. En outre, immanquablement fidèle à son esprit d’initiative, l’architecte d’intérieur ouvre en 1995 un showroom de mobilier. A la création de meubles, s’ajoute bientôt l’irrésistible envie de construire. En 2000, Rémi Tessier élargit donc encore son équipe; s’entourant d’architectes pour mener à bien son projet : couvrir la conception d’un lieu dans sa totalité. Mais l’histoire de ce trentenaire sémillant, qui n’a rien perdu de sa fougue d’adolescent, ne saurait s’arrêter là. Sans cesse à l’affût de compétences et d’aventures nouvelles, il crée, en avril 2002, la galerie St père, situé au 19 rue des Saints Pères à Paris. Six mois à peine séparent la naissance de l’idée de l’ouverture de ce lieu d’exception : un espace d’exposition et de création essentiellement consacré au design et aux arts plastiques. Cet art de passer librement d’un domaine d’activité à un autre, cette faculté de concevoir aussi bien la décoration d’une boutique de Dior ou de Morabito que la création d’un banc pour Tectona, l’architecture intérieure d’un yacht de 55 mètres – comme s’il s’en fabrique seulement trois par an dans le monde -, ou la rétrospective d’un designer tel que Tom Dixon…, en un mot, cette aptitude à se mouvoir avec talent au royaume du divers, Rémi Tessier les doit à une méthode de travail et un état d’esprit particuliers. A la recherche du luxe qui réside, selon lui, dans l’art du détail sans ostentation comme dans « l’exaltation de l’essentiel », il joint toujours la recherche de l’âme, secret de la profondeur et de la justesse : l’âme des matières, mais aussi des volumes, des êtres, des projets. Franchir l’espace et le libérer, retrouver la lisibilité d’une pièce et l’ordonnance d’un lieu pour lui insuffler une respiration nouvelle, l’habiller sur mesure de meubles pertinents, y faire affluer la lumière et la vie… Telle est la philosophie de cet homme particulièrement attentif à l’esprit unique d’un lieu, toujours soucieux de mêler le beau et l’utile, l’esthétique et la réalité du quotidien, en fonction des souhaits de chacun : « Chaque lieu recèle sa problématique, dit-il. Je m’attache avant tout à comprendre ses futurs occupants, parfois au-delà de ce qu’ils expriment, afin d’apporter une réponse unique, en cohérence avec leur mode de vie ou de travail, leur goût et leurs aspirations ». Cette exigence de qualité et de discrétion, cette recherche de la perfection dans la pureté des lignes choisies, ne sauraient aboutir sans un travail de suivi, la rigueur d’une attention de tous les instants. Qu’il s’agisse d’une pièce unique, d’une collection de meubles ou de la redéfinition d’un lieu, Rémi Tessier prend part à toutes les étapes de la création, de la conception à la réalisation, y compris lorsqu’il sollicite d’autres compétences : « Je n’aime pas lâcher un dessin dans le vide, avoue-t-il. Les compagnons m’ont appris à mener un projet jusqu’à son terme ». Ces vertus toutefois ne sont pas seules en cause. La particularité de Rémi Tessier consiste aussi pour une grande part dans l’étendue de son champ d’exploration. Parmi les formes, il privilégie tant les lignes droites que les courbes. Au sein des matières, il travaille volontiers, outre le chêne, les essences de bois rares tels l’ébène, le palissandre, le sycomore, le noyer et le cèdre, mais aussi des minéraux comme la Pietra Serena, la pierre de Buxy et de Hauteville, ou encore l’ardoise qui ont en commun un grain fin et serré, une matité. Il affectionne également le béton, le stuc et le staff pour les plafonds, ainsi que le métal (inox et nickel notamment), le cuir pour les finitions de sellerie et le verre qui est tantôt sablé, nuagé, lumineux, coloré. Le choix des matières dépend ensuite de l’ouvrage et de sa vocation. Cette pluralité s’accompagne d’un travail pointu sur les couleurs et les contrastes heureux qui peuvent s’établir entre elles. A l’image de cette diversité, Rémi Tessier revendique plusieurs source d’inspiration : si les noms de John Pawson et de Tadao Ando côtoient celui de Mies van der Rohe dans le domaine de l’architecture, les Danois Poul Kjaerholm et Hans Wegner sont pour lui des références en matière de design. Sous un parcours en apparence aléatoire, au gré des rencontres et plus encore des envies, se cache donc une véritable dynamique, une recherche profonde dont les maîtres mots seraient luxe et sobriété, savoir-faire et modernité. Cette osmose d’exigences qui ne va pas de soi, cet esprit insolite, ce besoin de mouvement, cette souplesse dans la création, en un mot cette mise au défi permanente du talent et en toute modestie, Rémi Tessier ne les a jamais quittés. A 43 ans, cet anticonformiste persiste à croire qu’il faut se fier à son instinct et prendre des risques, dès lors qu’on y croit et qu’on s’en donne les moyens. C’est ainsi qu’aujourd’hui, Rémi Tessier est en charge de projets majeurs internationaux essentiellement dans l’industrie du Megayacht privé de luxe, qui l’a reconnu et consacré designer de l’année 2006, a Venise lors des World Super Yacht Awards ainsi que d’autres nombreux prix pour les sailing yachts déjà réalisés (Designer Intérieur de l’année au ShowBoat Awards pour Parsifal III et Best Sail Interior au International Superyacht Design Awards en 2002 pour Squall). Derrière chacune de ses créations se dessine une invitation à l’audace, au vrai, au beau, à la vie.